La nécropole mégalithique de la pointe du Souc’h s’inscrit dans la tradition culturelle des tombes « dolméniques », apparue au Néolithique (4 500 à 3 500 ans avant Jésus-Christ), qui va connaître un extraordinaire développement dans l’ouest de la France. Placées sur un point élevé, hors des lieux de vie, ces sépultures collectives se présentent sous la forme de grands monuments de pierres (cairns) scellant plusieurs chambres funéraires.
Voir et être vu
Il est remarquable de constater qu’en Bretagne, au début du Néolithique, les emplacements choisis pour construire ces monuments mégalithiques sont des éminences. De ces endroits haut placés la vue s’étend largement et le site choisi est vu de très loin. En érigeant un mausolée de pierre en ces lieux, il faut y voir une façon grandiose d’honorer certains morts, mais aussi une manière de marquer le territoire par une construction imposante et de montrer l’importance de la société qui l’a conçue et réalisée.
De la pointe du Souc’h, la vue s’étend sur toute la baie d’Audierne, de la pointe de Penmarc’h à l’île de Sein. Au Néolithique, la navigation côtière est le moyen de communication le plus pratiqué dans nos régions et un cairn bâti sur le sommet topographique ne pouvait passer inaperçu des navigateurs de l’époque.
Des bâtisseurs virtuoses
Les recherches récentes, notamment de Florian Cousseau, ont montré que cairns et tertres étaient tout sauf les amas informes que l’on imaginait jadis. La masse des matériaux en est structurée par des parements agencés de manière cohérente et le plan du monument est lui-même parfaitement défini (circulaire, quadrangulaire, allongé, à angles vifs ou arrondis…).
Cairns et tertres recouvrent presque toujours des salles dont la fonction est en général funéraire. Les types en sont variés, avec ou sans structure de liaison avec l’extérieur (couloir, vestibule, antichambre ou porte). Le volume de ces chambres reste en général faible par rapport à celui de l’architecture qui les recouvre, voire dérisoire dans certains grands monuments (par exemple à Gavrinis et à Barnenez).
La nécropole de la pointe du Souc’h s’étendait à l’origine sur un espace de 35 m de long sur 10 m de large et le cairn avait une hauteur de 5 m. C’est un site complexe qui a connu six phases d’aménagement, depuis le néolithique moyen jusqu’au néolithique final. Elle est composée de plusieurs sépultures aménagées dans un grand tertre de pierres appelé cairn (cinq dolmens et une tombe du Néolithique moyen).
La construction a été facilitée par le fait que les matériaux se trouvaient à proximité : grosses dalles de gneiss transformées en énormes galets par le ressac et disponibles sur l’estran, moellons parallélépipédiques pouvant être prélevés sur le site même en ouvrant des carrières.
Une première tombe individuelle du Néolithique
Dans un long tertre de terre et de pierre de 8 mètres de large pour 26 mètres de long, une tombe en fosse, longue de 2.15 m et large de 1.20, est creusée directement dans la roche sur une profondeur de 20 à 30 cm. (Phase II, en vert pâle sur le plan). Des pierres plates étaient plaquées contre le bord de la fosse qui contenait deux vases apparentés à la « culture néolithique du Cerny », cinq armatures de flèches tranchantes, un briquet de silex, accolé à un fragment de pyrite de fer (minerai de fer) et une lame de hache polie en éclogite. Une datation au carbone 14 situe cette tombe dans la période du Néolithique moyen, entre 4530 et 4360 avant J-C.
Dans la sépulture individuelle figurait un briquet formé d’une lame épaisse de silex mâchurée sur laquelle se trouvait encore un fragment de pyrite de fer. En frappant la pyrite de fer avec le silex, on produit une étincelle chaude qui peut enflammer de l’amadou, de la mousse ou de l’herbe sèche.
Lorsque l’on dit que l’on disposait du mobilier dans les dolmens lors du dernier voyage d’un défunt, ce n’est pas une lame de hache polie que l’on place mais la hache avec son manche ; ce ne sont pas des armatures de flèches que l’on dispose mais des flèches entières et l’arc qui va avec. Il faut aussi penser à tout ce qui est animal et végétal qui n’a laissé aucune trace : objets en os, bois, vannerie, tissus, peaux, quartiers de viande, dont certains (os en particulier) se retrouvent dans les sépultures de même époque dans d’autres régions.
Une succession de quatre dolmens
Ultérieurement, dans le courant du IVème millénaire, cette tombe est recoupée par un nouveau bâtiment composé d’un dolmen à chambre quadrangulaire et d’un couloir ouvrant au sud-est, délimité par de petits piliers et murets de pierres sèches (Phase III, en rose pâle sur le plan). Le tout était inclus dans un cairn à parements multiples. Le couloir était condamné par une masse de pierres, dans laquelle fut mis au jour un puisoir en terre cuite, apparenté aux louches, comportant une languette débordante percée de deux paires de trous destinés vraisemblablement à y accrocher un manche en bois.
La phase suivante voit l’aménagement un peu à l’écart vers le nord, d’un nouveau dolmen à deux pièces latérales, de petites dimensions (2,80 m par 1,80 m) (Phase IV, en jaune sur le plan).
Au nord de ce dernier, un nouveau bâtiment lui fut accolé comprenant quatre compartiments, distribués par un vestibule central. Le parement de pierre de ce dernier venant recouvrir celui du précédent (Phase V, en marron sur le plan).
Le vide fut comblé par un nouveau dolmen à chambre compartimentée daté de 3310 à 2910 av. J-C, donnant ainsi au cairn ses plus grandes dimensions, tant en longueur (42 m), qu’en largeur (11m) (Phase VI, en gris sur le plan).
Quelques temps plus tard au Néolithique final, alors que ce cairn était partiellement ruiné, il fut réinvesti pour la mise en place en son centre, d’une sépulture à entrée latérale dont le parement frontal est en retrait de ceux des bâtiments précédents (Phase VII en rouge sur le plan). Lors du tamisage de la terre, on a pu retrouver 104 perles de moins de 5 mm de diamètre (78 en schiste ardoisier gris-bleu et 26 en clinochlore de couleur beige-orangé).
Le site est connu depuis le XIXème siècle et la première fouille fut faite en 1870-71 par A. Grenot. Les chambres des différents dolmens furent déblayées et un abondant mobilier fut exhumé : silex, haches polies et surtout un nouveau type de vase dit poterie de Souc’h, qui donna le nom à ce site. Malgré cette première fouille, le site resta une carrière de pierres jusque dans les années 1970. Le site est classé monument historique depuis le 9 avril 1979.
Les dernières fouilles, entreprises à partir de 2000 et conduites par l’archéologue départemental Michel Le Goffic, ont duré sept ans. Une restauration partielle de l’édifice a été confiée à un entrepreneur local : consolidation des vestiges et des piliers restants et reconstruction partielle du dolmen central.
Glossaire
- Cairn : monument en pierre monticule ou tumulus préhistorique scellant une ou plusieurs sépultures.
- Pierre sèche : pierres posées les unes sur les autres sans mortier.
- Mégalithes : monuments de pierre de grandes dimensions.
- Menhir : monument mégalithique, dressé à la verticale.
- Dolmen ou « table de pierre » en breton : monument mégalithique composé d’une chambre funéraire et d’un couloir d’accès, formées de plusieurs pierres dressées (ou orthostates) recouvertes par une ou plusieurs dalles (ou tables). Monuments funéraires, contenant souvent des sépultures collectives. Les plus longs sont appelés « allées couvertes ».
- Tumulus : butte artificielle, amas de terre et de pierres, recouvrant une ou plusieurs sépultures.
Localisation :
818 Rue de la Corniche 29780 Plouhinec